Blockchain in Média (B.I.M.) est un programme de recherche dont le champ d’investigation consiste à penser le design du temps à partir du design de la technologie blockchain. Utilisée pour développer des cryptomonnaies comme Bitcoin, la blockchain ou “chaîne de blocs” désigne une technologie de stockage numérique de transactions, en principe ineffaçables et infalsifiables, aux applications cependant bien plus larges. 

Le parti pris du programme de recherche est que tout médium enregistrant l’activité humaine modifie non seulement la perception que nous avons du temps présent mais également notre rapport à l’archive, au passé et à l’histoire. Dans l’optique d’interroger empiriquement cette hypothèse, B.I.M. a créé sa propre chaîne de blocs et l’a indexée sur une unité temporelle alternative : le cycle des marées déterminé par la rotation de la Terre et l’attraction du soleil et de la lune.

B.I.M. explore par l’art et le design ce que pourrait être un design du temps à l’ère des réseaux et de la cryptographie informatique. Différents instruments de mesure du temps (montres, horloge, métronome) et outils d’impression sont connectés à la chaîne de blocs et à cette nouvelle unité temporelle calculée à partir des données d’un marégraphe, à l’embouchure de la Loire. L’invention d’une revue (à paraître) qui puise sa périodicité et ses principes de fonctionnement dans la blockchain et s’archive au moment même où elle s’écrit, interroge la possibilité de publier et de dialoguer avec ce médium technique.

Suite à l’accueil du laboratoire de B.I.M. par le théâtre d’Orléans, l’exposition est pensée comme un work in progress s’achevant le 10 décembre 2020. Des séances de travail, des conférences, des ateliers et une œuvre — SIB’s de Rodrigo Azaola — exposée pour la première fois, confrontent les réflexions du collectif aux usages possibles des blockchains et au rapport qu’elles entretiennent (ou non) avec les cryptomonnaies et le capitalisme. 

Avec : Karolina Borkowska, Lionel Broye, Oriane Dalles, Florent Deloison, Hugo Du Roure, Gaël Goutard, Victor Guégan, Emmanuel Guez, Basile Jesset, Aude Launay, Marie Lechner, Mégane Lazou, Nicolas Lemaitre, Yen-Chen Lin, Morgane Stricot.  

L’Atelier de recherche

Ceci n’est pas une œuvre ! 

L’équipe de Blockchain in Média s’installe pour la durée de l’exposition dans la salle KID du théâtre d’Orléans. Plutôt qu’une restitution figée de ses recherches, l’équipe préfère vous accueillir dans son atelier. Au milieu de la salle se trouve notre centre de minage, composé de plusieurs nano-ordinateurs (Raspberry Pi) connectés entre eux et fonctionnant au rythme des marées. Leur rôle est simple : miner le plus de blocs possible. Comme dans toute chaîne de blocs, chacun de ces ordinateurs stocke une copie de notre blockchain et empêche ainsi toute modification des blocs déjà minés. De l’activité de cette blockchain découlent plusieurs expérimentations autour de machines connectées. Machine à dessiner, imprimantes 3D, thermique et matricielle permettent une approche physique et graphique de la matière numérique produite par la blockchain, leurs productions devenant alors les témoins du fonctionnement de cette dernière, parfois presque invisibles et silencieux, comme un écho lointain du courant de marée. Un espace dédié nous permet de partager le résultat des dernières recherches avec vous et d’en discuter ensemble. 

Rodrigo Azaola
SIB’s, 2020

SIB’s utilise la technologie blockchain littéralement pour ce qu’elle est, à savoir l’inscription d’informations dans une base de données publique. SIB est l’acronyme de Systemically Important Banks, ces établissements financiers dont la faillite hypothétique affecterait nécessairement l’économie mondiale. SIB’s est l’archive des activités criminelles de ces banques publiées dans la presse pendant un an et enregistrées sur la blockchain Ethereum. 

SIB’s se démarque de l’amalgame entre spéculation financière et blockchains véhiculé par les médias de masse en revenant aux sources de cette technologie. Reflétant dans sa forme même l’opacité des malversations de ces établissements bancaires en les gravant en clair dans le marbre numérique qui les recouvre alors d’une couche cryptographique — aisément désactivable pour permettre une lecture par l’œil humain —, SIB’s est avant tout un hommage à l’origine du monde des blockchains : clin d’œil au premier bloc de la première blockchain dans lequel son créateur Satoshi Nakamoto avait introduit le gros titre du Times du jour d’alors, le 3 janvier 2009, annonçant le renflouement de quelques banques par le gouvernement britannique alors que la crise financière faisait rage. 
Bien que Nakamoto n’ait jamais explicité son geste, beaucoup l’ont interprété comme une référence aux raisons pour lesquelles il développait Bitcoin : éliminer les banques et les intermédiaires qu’il considérait comme corrompus et peu fiables en créant une monnaie de pair-à-pair.

Rodrigo Azaola, SIB’s, 2020
Vidéo numérique, couleur, son, 4 minutes. 
En collaboration avec Bernando Hernández (vidéo) et Sabiwa (son).
Avec le soutien de l’ÉSAD Orléans.

Rodrigo Azaola, SIB’s, 2020
Vidéo numérique, couleur, 2 minutes 57 secondes.

Commissariat : Aude Launay  


Exposition initialement prévue pour être ouverte au public du 22 octobre au 10 décembre 2020 au Théâtre d’Orléans et à la galerie de l’ESAD Orléans. Suite aux mesures gouvernementales liées à la crise sanitaire, l’exposition a fermé ses portes le 30 octobre.